Prendre de meilleures décisions financières en comprenant la théorie des perspectives

Prise de décisions théorie des perspectives

La pensée économique dominante pose l’hypothèse que tout individu prend ses décisions de la manière la plus rationnelle qui soit, dans le but de maximiser son utilité (i.e. sa satisfaction). Dans un contexte financier, un investisseur est censé allouer ses actifs de façon rationnelle selon deux critères, le risque et la rentabilité attendue de ses placements. 

L'irrationalité humaine et les décisions financières

Cependant, si l’être humain était rationnel, il ne fumerait pas, ne consommerait pas d’alcool, respecterait les limitations de vitesse, mangerait cinq fruits et légumes par jour, ferait trois heures de sport par semaine, etc. Par nature, la supposée rationalité parfaite de l’esprit humain est « pervertie » par différents facteurs tels l’ambition, les phobies, la confiance en soi, le mimétisme (e.g. les comparaisons aux normes sociales), etc.

La théorie des perspectives : une nouvelle approche de l'investissement

En 1979, Daniel Kahneman et Amos Tversky ont proposé la théorie des perspectives, qui traite du comportement de l’investisseur en situation d’incertitude face à ses gains et à ses pertes. Selon cette théorie, la prise de décision est un processus en deux étapes : la formulation du problème et l’évaluation des choix. La première étape vise à identifier les différentes options disponibles et à évaluer leurs conséquences. La seconde étape consiste à comparer ces différentes options et à effectuer un choix.

Les idées clés de la théorie des perspectives

Les idées clés que cette théorie a permis de développer sont les suivantes :

  • L’individu est essentiellement sensible aux déviations d’un résultat par rapport à une situation de référence. Sa richesse présente un objectif à atteindre plutôt qu’un résultat absolu. Exemple : pendant les soldes, nous évaluons un produit soldé par rapport à son prix de référence (barré) et plus le taux de réduction est élevé, plus l’affaire nous paraît attractive. Ainsi, la réduction d’un article passant de € 100 à € 25 nous paraîtra incroyable, tandis qu’on portera peu d’attention à un article soldé de € 1.000 à € 925. Pourtant, dans l’absolu, la remise s’élève à € 75 dans les deux cas.
  • L’individu présente de l’aversion pour le risque lorsqu’il s’agit de réaliser un gain, mais préfère prendre du risque lorsqu’il est susceptible de combler une perte. Considérons par exemple le jeu de la roulette au casino : si nous gagnons peu à la roulette, nous serons contents et sujets à arrêter pour conserver nos gains. En revanche, si nous perdons, nous serons prêts à jouer plus gros pour tenter de nous refaire.
  • L’utilité de l’investisseur sera différente selon qu’il est face à des gains ou à des pertes. Imaginons par exemple le jeu de pile ou face. Pile : nous gagnons € 105 et face : nous perdons € 100. La plupart d’entre nous refusera de jouer à ce jeu car nous estimerons que le risque de perdre € 100 ne vaut pas celui de gagner € 105, alors même que mathématiquement, en jouant plusieurs fois, nous serions gagnants. Le bonheur de gagner € 105 est donc moins important que la douleur de perdre € 100.

Par cette théorie, Daniel Kahneman et Amos Tversky ont donc voulu démontrer qu’un investisseur ne maximisait pas son utilité car ce dernier évalue de façon asymétrique ses perspectives de gain et de perte. En moyenne, les individus sont bien davantage affectés par leurs pertes qu’ils ne sont satisfaits de leurs gains.

Comment améliorer vos décisions d'investissement grâce à la théorie des perspectives

Concrètement, vos réflexes d’investisseur vous porteront souvent à vous comporter comme suit :

  • Face à un choix risqué conduisant à des gains potentiels, vous aurez tendance à afficher une forte aversion au risque, préférant les solutions conduisant à une utilité espérée inférieure, mais plus sûre. Vous serez donc tenté de vendre trop tôt une position lorsque celle-ci affiche un gain pour sécuriser celui-ci.
  • Face à un choix risqué conduisant à des pertes potentielles, vous rechercherez volontiers le risque, préférant les solutions conduisant à une utilité espérée inférieure pourvu qu’il y ait une chance de diminuer les pertes. Vous aurez donc tendance à conserver une position en perte, voire à la renforcer car vous espérerez vous refaire malgré l’incertitude.

Il est pourtant possible de réduire l’asymétrie de son comportement face au risque Voici quelques conseils :

  • Si vous conservez en portefeuille des actifs qui sont en perte depuis longtemps, envisagez leur vente. Si vous ne suivez plus leur actualité et ne voyez d’autre perspective de gain que l’espoir de vous refaire, débarrassez-vous-en. Investissez le produit de leur vente dans d’autres actifs, qui offrent de réelles perspectives positives. Vous améliorerez vos performances.
  • Si vous rechignez à investir dans un actif risqué parce que vous craignez une moins-value, alors que votre espérance de gain est nettement positive, pensez à construire progressivement votre position (i.e. acheter par petits morceaux).
  • Si vous envisagez de vendre une position parce que celle-ci vous a bien rapporté, considérez plutôt une vente partielle (e.g. un tiers ou la moitié de la position). Le titre d’une bonne entreprise peut continuer à s’apprécier, indépendamment du gain qu’il vous a déjà procuré.
  • Si vous projetez de renforcer une position en perte, assurez-vous que votre première motivation provient de la découverte d’éléments neufs laissant augurer un redressement et non l’espoir de couvrir une moins-value. Quels sont ces éléments neufs ? La publication de bons résultats, d’un changement de recommandations, d’une nouvelle analyse positive ?
  • Prenez vos décisions d’achat et de vente le week-end, lorsque les marchés sont fermés. Vous éviterez ainsi les décisions impulsives, rarement les meilleures.

Que retenir ?

Au final, que vous ayez des positions en gain et d’autres en perte est tout à fait normal. Se focaliser sur un titre en particulier n’est pas essentiel car c’est la performance globale du portefeuille qui importe. Dans vos prochains investissements, demandez-vous s’il est préférable d’acter un profit ou d’acter une perte pour pouvoir financer un nouvel investissement. De préférence le dimanche.


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