L'indice Big Mac : un outil économique pour comparer le pouvoir d'achat

Indice Big Mac

Cela ne vous aura pas échappé, surtout si vous êtes des globe-trotteurs, le dollar s’est fortement apprécié face à de nombreuses devises, dont l’euro. Ces fluctuations des taux de change à travers le monde modifient les rapports de force entre les exportateurs et les importateurs de différents pays ainsi que le pouvoir d’achat des ménages. Nous vous emmenons au pays du Big Mac, le célèbre burger de McDonald’s, pour tout comprendre.

Le taux de change expliqué simplement

Qu'est-ce que le taux de change ?

Commençons par expliquer ce qu’est le taux de change. Le taux de change définit la valeur à laquelle s’échange une monnaie contre une autre. Les monnaies s’échangent sur un marché, le Forex (foreign exchange), où se rencontrent acheteurs et vendeurs. Notez que quiconque vient sur le Forex est toujours à la fois vendeur d’une devise et acheteur d’une autre. Ainsi, je souhaiterais par exemple acheter du dollar contre (la vente d’) euro. Au 30 septembre dernier, je pouvais acheter 100 dollars en vendant 102,04 euros. Le taux de change entre le dollar et l’euro était alors de 0,98 (soit $ 100 / € 102,04 = 0,98).

Pourquoi acheter une devise étrangère ? 

Pour acheter un bien à l’étranger (e.g. la caïpirinha au bar de cet hôtel à Rio de Janeiro), pour effectuer des placements financiers (e.g. acheter des actions de la société Pfizer), pour constituer une réserve de valeur (e.g. plutôt la tasse de thé des banques centrales) ou encore pour spéculer (e.g. si je suis convaincu que le dollar va continuer à s’apprécier et j’anticipe pouvoir le revendre plus cher contre euro dans le futur). À force de s’affronter sur le Forex, les acheteurs et les vendeurs établissent en permanence pour chaque devise un prix qui équilibre les quantités de ladite devise proposées à l’achat et à la vente. In fine, ce prix reflète le degré de confiance des agents économiques dans la capacité du pays qui émet la devise à honorer ses dettes publiques et privées.

La théorie économique derrière l'indice Big Mac

La parité de pouvoir d'achat

Continuons par un peu de théorie économique. Selon l’économiste suédois Gustav Cassel, dans un monde idéal, 1.000 yens japonais devraient permettre d’acheter à Tokyo exactement la même chose à Bruxelles ou à New York s’ils étaient convertis respectivement en euros ou en dollars. Derrière le concept de Cassel est né celui de la parité de pouvoir d’achat selon lequel, à terme, les taux de change devraient s’équilibrer de telle manière qu’une unité de monnaie donne accès à la même quantité de biens quel que soit le pays.

Comment évaluer la valeur relative des monnaies entre elles ?

De nombreux économistes se sont attelés à la tâche de modéliser la valeur relative des monnaies en comparant par exemple les loyers ou le caddie de courses des ménages. Problème, le contenu du caddie d’un Français, d’un Chinois ou d’un Américain diverge énormément. C’est pourquoi les journalistes du magazine The Economist ont eu l’idée lumineuse et ludique de se pencher sur la comparaison à travers les pays du prix d’un produit qui s’est mondialement imposé : celui d’un Big Mac. L'indice Big Max était né.

L'indice Big Mac : un outil ludique pour évaluer une monnaie

Comment fonctionne l'indice Big Mac ?

Pour ce faire, ils traduisent en dollars américains le prix du fameux hamburger dans chaque pays et comparent ensuite les prix obtenus. En fixant le prix du Big Mac aux États-Unis comme point de référence, The Economist exprime en pourcentage la sur- ou sous-évaluation de chaque devise par rapport au dollar américain.

Un exemple concret de l'indice Big Mac

Illustrons par un exemple concret. Le prix du Big Mac est proposé en moyenne au prix de 4,65 euros en Europe et de 5,15 dollars aux USA. Selon la théorie de la parité de pouvoir d’achat, 4,65 euros devraient valoir exactement 5,15 dollars. Soit un taux de change de $ 5,15 / € 4,65 = 1,108. Or, comme expliqué plus haut, le taux de change se situe à 0,98. A ce taux, le fameux burger devrait se vendre à 5,26 euros en Europe. Sous l’angle du prix du Big Mac, l’euro est donc sous-évalué de 11,6%. En théorie, les agents économiques devraient acheter le burger européen et l’exporter aux Etats-Unis. Grâce à ce commerce, ils encaisseraient un bénéfice correspondant à la marge entre $ 5,15 / 0,98 = € 5,26 euros (i.e. le prix auquel ils peuvent théoriquement vendre le burger aux USA) et 4,65 euros (i.e. ce que leur coûte le burger aujourd’hui en Europe). Ce faisant, ils vendraient les dollars reçus de la vente des burgers pour acheter de l’euro. A force de répéter cette opération, le cours de l’euro se renforcerait par rapport au dollar selon la loi de l’offre et de la demande jusqu’à rétablir le taux de change d’équilibre et faire disparaître l’intérêt du commerce transatlantique de hamburgers.

Pourquoi les taux de change diffèrent-ils de la théorie ?

Dans les faits, on observe donc que les taux de changes peuvent différer sensiblement de ce à quoi on pourrait logiquement s’attendre et ce pour différentes raisons.

Tous les biens ne sont pas fongibles

Premièrement, la théorie de la parité de pouvoir d’achat présuppose que tous les biens sont parfaitement fongibles. Or c’est loin d’être le cas. Vous ne pouvez pas acheter un Big Mac à Bruxelles et l’envoyer à New York. Il ne serait plus très frais à l’arrivée et, quand bien même, vos frais logistiques (e.g. le transport) mangeraient votre marge bénéficiaire. De la même manière, si une coupe de cheveux est moins chère en Angola, vous irez quand même chez le coiffeur du coin. Le rééquilibrage des taux de change est donc très imparfait pour la plupart des biens et services.

L'impact des politiques monétaires, budgétaires et fiscales sur le taux de change

Deuxièmement, les politiques monétaire, budgétaire et fiscale d’un pays (ou d’une zone monétaire dans le cas de l’euro) peuvent chercher à provoquer ou à maintenir un déséquilibre dans le rapport d’échange de leur devise par rapport aux autres. Elles peuvent par exemple causer une sous-évaluation de leur monnaie quand elles cherchent à stimuler leurs exportations (les biens nationaux coûtent moins cher aux étrangers) ou une surévaluation si leur priorité est la lutte contre l’inflation (les biens importés coûtent moins cher). En général, une monnaie forte favorisera les importations alors qu’une monnaie faible favorisa les exportations.

La parité du pouvoir d'achat fonctionne-t-elle avec les produits financiers ?

À la différence d’un Big Mac, les produits financiers sont parfaitement fongibles (sauf les frais de transaction, liquidation et transfert, somme toute modestes). Un investisseur avisé pourrait souhaiter mettre en application le principe de la parité de pouvoir d’achat pour investir dans les devises sous-évaluées par rapport à l’euro et attendre que ces devises s’apprécient pour les revendre en encaissant un profit.

Alors c’est vrai, la parité de pouvoir d’achat fonctionne. Une devise ne peut pas rester éternellement sous-évaluée. Mais aucune étude n’a jamais mentionné le temps qu'il faut pour combler une sous-évaluation à partir des différences de parité de pouvoir d’achat. Cela peut prendre 6 mois comme ça peut prendre 10 ans, notamment parce que les changements de politiques monétaires des banques centrales ou de politiques fiscales et budgétaires des gouvernements des différentes zones sont à la fois imprévisibles et potentiellement lentes à changer. Orienter ses placements principalement parce qu’on anticipe l’appréciation d’une devise par rapport à une autre est donc une stratégie d’investissement très risquée.

En finance, on vante souvent les mérites de la diversification comme moyen efficace pour réduire le risque. Dans cette optique, avoir une stratégie de répartition de ses placements dans différentes zones géographiques et différentes devises est tout à fait pertinent.

Que retenir de l'indice Big Mac ?

En conclusion, l’indice Big Mac donne une indication de la valeur relative des devises à un moment donné. Les corrections des sur- ou sous-évaluations monétaires peuvent prendre du temps, beaucoup de temps. Utiliser la parité de pouvoir d’achat pour vos décisions financières n’est donc pas judicieux. Par contre, ça l’est tout à fait pour choisir votre prochaine destination de vacances.

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