La bourse et la guerre : impact des conflits géopolitiques sur les marchés boursiers
Nous ne sommes pas experts en géopolitique. Vous ne trouverez donc pas dans le présent article ce qui est juste ou pas juste dans le conflit russo-ukrainien. Par contre, nous avons le nez dans les marchés financiers toute la journée. Nous nous sommes dès lors replongés dans l’histoire pour en savoir plus sur les mouvements de la bourse en temps de guerre afin d’adopter la réaction la plus appropriée dans le présent. C’est parti pour un petit voyage dans le temps.
Pour ceux qui n’ont vraiment pas le temps, voici le résumé en une phrase : La réaction des marchés boursiers à des événements dramatiques tels la guerre ne nuit pas fondamentalement à la valorisation des actions sur le long terme. Voilà.
Comprendre le comportement des marchés financiers en temps de guerre
Revenons un instant au mois de février de cette année. Avant le 24 février, soit avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les marchés européens sont minés par l’incertitude. Ils subissent de fortes fluctuations et réagissent presque quotidiennement à l’imminence d’un conflit armé en Ukraine. Le jour de l’invasion elle-même, soit le 24 février, les marchés européens voient rouge en moyenne de 4%. Le lendemain, ils rebondissent sensiblement pour ensuite dériver à la baisse et toucher un point bas une semaine plus tard, accusant un recul moyen d’environ 15% depuis la veille du conflit. Le 24 mars, un mois après l’invasion, c’est comme s’il ne s’était rien passé. Aux Etats-Unis, il n’y a tout simplement pas eu d’impact boursier majeur. Est-ce une anomalie de l’histoire ? Pas du tout.
Études sur l'impact des chocs non financiers sur les marchés boursiers
Ryan Detrick, stratège en chef chez LPL Financial, a étudié 22 chocs non financiers majeurs depuis l’attaque de Pearl Harbor1.
Il a observé que bien qu’il n’y ait pas deux événements identiques, le marché boursier a l’habitude de s’en remettre rapidement. Les événements étudiés ont entraîné une perte moyenne d’environ 1,1% en une journée. Les pertes totales se sont quant à elles en moyenne élevées à 4,6% avant d’entamer une remontée. Il a fallu, toujours en moyenne, 19,7 jours pour compléter la chute et 43,2 jours pour rebondir et effacer la perte subie. Deux autres études de National Bank Investments (NIB) et de Swiss Finance Institute ont, elles, démontré que, dans les cas où une phase d’avant guerre est caractérisée par une grande incertitude (i.e. le déclenchement de la guerre n’est pas inopiné), la probabilité de subir une baisse des marchés d’actions augmente. Par contre, le déclenchement de la guerre contribue généralement au rebond des bourses. Selon les chiffres de NIB, les marchés boursiers baissent en moyenne de 2,1% un mois avant le jour du déclenchement des hostilités et progressent en moyenne de 0,8% durant le mois qui suit celui-ci. Pourquoi ? Parce que les marchés détestent par-dessus tout l’incertitude. Tout le temps que la guerre se prépare, ils ne savent pas si celle-ci aura ou non lieu, encore moins comment elle se déroulera.
Acheter au son du canon et vendre au son du clairon
Dès lors que la guerre est déclarée, une incertitude est levée et les marchés peuvent profiter d’une réduction de la perception du risque. L’histoire nous enseigne donc que les événements dramatiques tels les guerres, les assassinats ou les attaques terroristes ont un impact à très court terme sur les marchés boursiers, souvent limité, et ne sont tout simplement pas significatifs sur le long terme. L’évolution globale des marchés reste in fine avant tout guidée par celle des revenus et des bénéfices des entreprises et le niveau des taux d’intérêt. Venons-en à vous. Les évènements dramatiques sont surtout émotionnellement dangereux car ils mettent le sang-froid et la rationalité des investisseurs à rude épreuve. Confrontés à de grandes incertitudes, les investisseurs risquent de ne plus prendre leurs décisions sur la base de raisonnements éclairés, mais de se raccrocher à des préjugés non fondés ou des impulsions. L’imminence d’un danger par exemple force souvent des opinions tranchées. Dans l’adversité, hausser les épaules semble imprudent lorsque les enjeux sont émotionnellement forts, alors qu’avoir des réponses donne la sensation de maîtriser la situation et de réduire le danger. Bref, le genre de contexte à faire n’importe quoi avec son portefeuille. Or, en général, nous avons tendance à surestimer l’impact boursier des évènements dramatiques car nous extrapolons qu’au vu de l’ampleur du drame humain que représente une guerre, les choses doivent forcément être terribles en bourse. Dans les faits toutefois, nous avons vu que c’est loin d’être le cas.
Gérer ses émotions pour protéger son portefeuille en temps de guerre
Contrairement à l’humain, le marché, lui, n’a ni émotion ni empathie. Il se reconcentre rapidement sur les aspects économiques et financiers. Pour mieux l’apprivoiser, vous devez donc apprendre à maîtriser vos émotions. C’est l’un des piliers de la gestion d’un portefeuille performant dans la durée. En période de guerre, vous êtes bombardé d’informations qui entretiennent votre peur et tiennent en haleine vos émotions et votre empathie. Dans pareille situation, vous devez faire le tri entre les informations pertinentes et le bruit. Pour vous y aider, projetez-vous 7 à 10 ans dans le futur et demandez-vous si la crise actuelle pourrait avoir un impact durable sur votre patrimoine. Revoyez aussi votre tolérance au risque. Si vous êtes trop stressé à l’idée de perdre de l’argent, c’est probablement que vous prenez trop de risque dans vos investissements. Il serait alors opportun de revoir la composition de votre portefeuille. Dans tous les cas, n’essayez pas de « timer » le marché, c’est-à-dire tenter d’anticiper la baisse des marchés pour vendre en espérant racheter à meilleur compte plus tard. Là aussi, l’histoire nous apprend que c’est une mauvaise idée. Une étude parue en 2017 a conclu que d’après l’analyse de 1.062 krachs survenus sur 101 places boursières de 1692 à 2015, la probabilité d’une forte hausse des cours était plus élevée que d’ordinaire après un krach. Ainsi, 6 des 10 meilleures performances journalières de l’indice S&P 500 enregistrées entre 2000 et 2020 sont survenues dans les deux semaines qui ont suivi les 10 pires journées. « Timer » le marché en décidant de vendre ses actions en pleine baisse requiert d’être doublement chanceux. Non seulement vous devez vendre au bon moment, lorsque la baisse n’en est encore qu’à ses prémices, mais vous devez aussi racheter avant que les cours ne remontent.
Conseils pour préserver vos finances de vos émotions
Voici quelques conseils pour préserver vos finances de vos émotions :
- Ne cédez pas à la panique. Ayez conscience qu’une situation d’incertitude et de forte nervosité des marchés peut durer. Il faut être patient et attendre que la tempête passe.
- Maintenez le cap de votre stratégie d’investissement. Il ne faut pas en changer à la première incertitude.
- Dites-vous qu’il vaut mieux manquer une opportunité qu’anéantir son portefeuille. Si vous voulez agir, renforcez des positions que vous connaissez. Ne touchez pas à des investissements nouveaux, même si c’est très tentant.
- Diversifiez toujours vos placements tant en termes de classes d’actifs que d’un point de vue géographique et sectoriel.
- Limitez la consultation d’informations en continu, qui entretient la peur et vous pousse à faire n’importe quoi, en plus de vous miner le moral. Préférez peu d’informations, bien documentées et de qualité.
- Et si un investissement vous empêche de dormir sur vos deux oreilles, c’est qu’il est peut-être temps pour vous de le reconsidérer. Bon, si ça ne va toujours pas, parlez-en avec votre conseiller préféré. Ensemble, vous remettrez votre portefeuille à plat pour repartir sur des bases saines et retrouver une bienveillante sérénité.
Que retenir de tout ça ?
Quand tout va bien, nous avons tendance à oublier le fait que des évènements tragiques comme les guerres ou les épidémies puissent survenir. Lorsque de tels évènements surviennent, la tentation est alors grande de vendre les actifs risqués comme les actions pour se replier sur des actifs défensifs. Cependant, malgré la gravité que nous accordons par exemple à un conflit armé, il faut garder en tête qu’en règle générale, l’impact sur les bourses des inquiétudes liées aux risques géopolitiques est usuellement de courte durée.
Si la situation n’engendre pas de récession économique durable, elle présente même très souvent une opportunité d’achat.
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